(MONDIALISATION - CANADA) - L’Europe
et les États-Unis avec leur gesticulation envers la Libye [et la Côte d’Ivoire]
essaient de revenir au XIXe Siècle, promouvant une nouvelle répartition
coloniale du monde. En réalité, il n’y a jamais eu d’indépendance effective des
anciennes colonies. Grâce aux artifices du commerce international et surtout de
la circulation des capitaux, la dépendance économique et politique des pays
périphériques s’est maintenue.
Durant
les vingt dernières années avec la globalisation néolibérale, la domination des
pays centraux a progressé. Disraeli, le controversé homme d’Etat britannique,
avait raison quand il disait que les colonies ne cessent pas d’être des
colonies par le simple fait d’être déclarées indépendantes. Cette
domination indirecte ne leur suffit pas : elles veulent revenir au statut
colonial ouvert à deux battants. A la perception de signes d’insurrection
générale des peuples contre l’oppression de ceux qui leur répondent au pouvoir,
elles prennent l’initiative de la répression préventive.
La
doctrine de la guerre préventive de Bush demeure en vigueur et est actuellement
appliquée par la France et la Grande-Bretagne, par délégation de Washington.
Les Étasuniens, bien intentionnés, qui ont voté Obama découvrent qu’ils ne
peuvent pas changer le système à travers les processus électoraux. Comme
l’avait dénoncé et prévu le grand président républicain Eisenhower – l’un des
militaires le plus important du siècle passé – celui qui domine le système
c’est le « complexe militaro-industriel », avec sa direction actuellement
partagée entre le Pentagone et Wall Street.
Le
président Obama ressemble, chaque jour davantage, à Bush. Bien que son objectif
final soit le même, il s’applique à parler tranquillement à l’Amérique Latine
tandis qu’il excite ses alliés contre la Libye, dans un mouvement de reconquête
impériale du nord de l’Afrique. Comme Tony Blair dans le cas de l’Irak, Cameron
se dispose à faire le sale travail. Selon l’hebdomadaire allemand Focus, il y
avait déjà en Libye des commandos britanniques quelques semaines avant
l’officialisation de l’alliance.
Le
mouvement pour la re-colonisation émanant d’anciennes métropoles, se développe
« pari passu » à coté de la mondialisation. La réalité est totalement
différente : pour maintenir les niveaux de confort et de consommation des pays
occidentaux il est nécessaire de disposer de toutes les ressources humaines et
naturelles de la périphérie.
L’espace
asiatique de pillage s’est réduit pendant ce temps grâce à l’augmentation de la
population et de la consommation conformément aux schémas occidentaux- et à la
croissance de la Chine. Mais encore il y a le gaz et le pétrole de la Caspienne
pour lesquels les Etasuniens cherchent à contrôler l’Afghanistan et menacent
l’Iran. Maintenir les sources pétrolifères du Moyen-Orient et du Nord de
l’Afrique, c’est leur objectif principal – malgré leur discours hypocrite sur
l’environnement… La même hypocrisie est mise en évidence quand ils déclarent
qu’ils ne veulent pas toucher à Kadhafi : sa résidence a été attaquée avec des
missiles par Obama, de la même façon que l’avait fait Reagan en 1986, tuant une
fille du dirigeant libyen.
En
même temps il leur convient de s’assurer l’approvisionnement de minerais et de
denrées alimentaires de l’Amérique Latine et de l’Afrique Noire. Menacés par la
pénétration des Chinois sur le continent africain, ils sont disposés à jouer le
tout pour le tout, afin de restaurer leur ancienne domination. Et ils ne
manquent pas les associés de second rang, les sous-traitants du colonialisme
comme sont les Espagnols et les Italiens. Les
Espagnols nostalgiques de Carlos V et de Felipe II s’unissent à Obama, à
Cameron, à Sarkozy. Il n’ ya pas de différences entre Zapatero et Aznar : les
deux sont les mêmes, dans leurs efforts pour reconquérir l’Amérique du Sud. Les
Italiens sont moins insistants sachant pertinemment que même si Kadhafi tombe,
la Libye ne leur sera pas rendue.
Les
néocolonialistes essaient de profiter d’une rébellion sans idées, bien que
juste, contre la corruption et le pouvoir dictatorial des pays arabes. Mais il
n’est pas sûr qu’ils obtiennent un quelconque succès.
Les
Étasuniens créent toujours, stimulent et financent les mouvements d’opposition
dans l’intérêt de déstabiliser les gouvernements et les systèmes politiques.
Nous nous rappelons ces jours de 1964. Nous pourrions nous rappeler toutes les
années précédentes, surtout de la période 1945-1954 quand Vargas, élu président
du Brésil, a créé les instruments économiques nécessaires au développement
indépendant, avec de grandes entreprises publiques. Après la mort du grand
président, Juscelino a réussi à se maintenir grâce à l’option politique savante
de mobiliser la nation dans des travaux pour une croissance accélérée.
De
manière qu’il ne serait pas surprenant que leurs agents et alliés, des pays
musulmans ont stimulé le mouvement qui s’est initié en Tunisie de manière
apparemment accidentelle. Les jeunes de ces pays étaient insatisfaits de leur
vie. Les opportunités de réalisation professionnelle et personnelle leur
manquent. Leur liberté est limitée et leurs rêves se meurent devant une société
fermée sur elle- même.
Le 21 mars dernier, le New
York Time a publié un article d’un jeune de 24 ans, collaborateur heureux du
respectable « Conseil des Relations extérieures de New York », Mattew C. Klein
dans lequel il analyse la situation des jeunes étasuniens et montre que la
situation de chômage est similaire à celle des jeunes de pays pauvres et de que
leurs rêves se trouvent également limités. Il aurait pu aussi avoir mentionné
le désenchantement face à un gouvernement peu attentif à la jeunesse de son
pays, avec la corruption parlementaire et avec le comportement indécent des grandes
corporations qui sont au commande de Wall Street, face au bellicisme de son
pays. Le fait qu’il y a une liberté de la presse et des élections régulièrement
ne réduit pas l’absolutisme essentiel du système des Etats-Unis. Le peuple vote
tous les quatre ans, la presse est libre, le système judiciaire fonctionne,
bien que la Cour Suprême ne juge pas toujours avec impartialité. Mais malgré cela la liberté, comme dans d’autres
lieux, est un bien de marché. Il est nécessaire de l’acheter.
Les
droits de l’homme même s’ils sont proclamés dans des déclarations ronflantes,
sont aussi violés aux États-Unis et dans les pays qui leur font allégeance. Il
suffit de rappeler ce qu’il se passe à Guantanamo, ce qui a été enregistré à
Abu Graib et les conditions dans lesquelles se trouve soumis le soldat
étasunien Bradley Manning dans la prison de la Marine des Etats-Unis.
Le
prétexte selon lequel l’intervention en Libye se fait au nom des droits de
l’homme et de la protection des civils est immoral. Et considérée
insensée par les parlementaires britanniques eux mêmes, comme le député Rory
Stewart le fait dans un article publié par le Londres Review of Books le 18 de
ce mois [mars 2011]. Stewart n’est pas un homme de gauche. Député d’un des
réduits traditionnels conservateurs du Nord-ouest de l’Angleterre, celui de
Penrith and the Border, le parlementaire montre la connaissance du sujet. Il a
fait partie des troupes britanniques en Irak et ensuite il a traversé à pied
l’Afghanistan, dans le cadre d’un voyage plus long, de 6 mille kilomètres,
depuis la Turquie au Népal qui a duré deux ans.
Bien que conservateur,
Stewart considère comme une erreur la participation de son pays dans les
croisades anti-islamiques. Il justifie en partie l’intervention en Yougoslavie,
au nom de la protection des populations civiles devant les menaces de génocide
– mais il n’est pas d’accord avec les autres. Nous reproduisons quelques
passages de son article « Here we go
again » :
« Il semblait doublement
improbable que l’Angleterre interviendrait militairement un jour dans un pays
comme la Libye. Bien que pauvre en pétrole, l’Afghanistan en Asie centrale fût
vu par beaucoup de musulmans comme un objet d’occupation par des croisés
infidèles commandés par Israël, et avec l’objectif d’établir des bases
militaires et d’obtenir un pétrole bon marché. Tout mouvement contre la Libye,
– un pays arabe musulman, embarqué dans une lutte sans trêve contre le
colonialisme et transpirant le pétrole – donnait l’impression qu’il serait vu
comme un mouvement extrêmement hostile et sinistre, d’abord par ses voisins
arabes, mais aussi dans le monde développé et même par les Libyens eux mêmes.
Le cas de la Libye ne
répond même pas aux critères du droit international comme objectif
d’intervention militaire. Kadhafi est le pouvoir souverain, non les rebelles ;
il ne réalisait pas de génocide, ni une purification ethnique. En Bosnie la
situation était différente : en peu de semaines 100 mille personnes étaient
mortes. Et la Bosnie elle même– état souverain bien que non reconnu pour l’ONU
– demandât formellement l’intervention.
Le cas du Kosovo a été
moins clair, mais l’intervention a pointé Milosevic et est arrivée après la
guerre des Balkans qu’il a initié en forçant à l’exode 200 mille personnes avec
d’abondantes preuves d’un grand nombre d’atrocités commises au nom de préjugés
ethniques. Ce type d’attitude dans laquelle on estime qu’une intervention
militaire est légale et qui en 1999 paraissait la quintessence de la
gouvernabilité et du consensus global, a cessé d’être un concept dominant dans
l’Occident.
Comme député de la Chambre
des Communes je crois que peut-être est arrivée l’heure de rappeler que malgré
son malheur l’Afghanistan et jusqu’à l’Angleterre peuvent encore avoir un rôle
constructif dans le monde »
En terminant son article le
parlementaire est cependant plus pessimiste et revient sur les prétextes des
colonisateurs :
Rory
Stewart (est né à Hong Kong, de parents anglais, éduqué en Angleterre) confirme
ainsi l’objectif d’un nouveau mouvement colonialiste, d’un nouveau « manu
militari » des vieux dominateurs. Poursuivis par le manque de pétrole bon
marché, ils s’accrochent au passé en cherchant à maintenir leur sécurité et
leur orgueil, comme propriétaires du monde.